Miyuki c'est une nana blessée, brisée, cassée, écorchée. Une nana que la vie n'a pas voulu épargner. Une nana, seule, toujours seule, toujours dans son coin. Une nana humiliée et moquée toute sa vie. Une nana mal-aimée et en manque d'attention. Miyuki c'est un cliché à elle seule. Tu vois, Miyu c'est cette fille, cette tête de turc que personne n'aimait à l'époque. C'est cette gamine qu'on voulait pas toucher de peur d'être malade. Et justement, ça l'a rendu malade la gamine. Malade de rage et de tristesse. Quand elle était encore une enfant, elle se laissait facilement insulter voir même frapper. Avant, elle était timide et faible. Puis elle a grandi, elle a vieilli mais pas mûri. Maintenant, Miyuki elle rend les coups, elle rend les insultes. C'est souvent elle la première à les balancer d'ailleurs. Elle crache des jurons comme du venin de serpent. Elle crache aussi la vérité. La vérité telle qu'elle est, froide et blessante. Elle s'en fout de faire mal, elle dit ce qu'elle pense. Miyu on pouvait pas la mettre en colère avant. Aujourd'hui, un simple regard de travers et elle se transforme en tigresse, en sauvage, en princesse des cités. Elle sait pas parler Miyuki. Elle aime pas ça, et puis elle est pas diplomate pour un sou. Elle règle tout à coup d'injure et de baston. C'est nul, c'est bête, pourtant c'est elle. Mais elle est pas conne non plus, au contraire même. Elle est intelligente. Ça se voit pas forcément comme ça. Avec sa gueule en vrac, ses cheveux roses et son haleine de tabac froid, elle a plus l'air d'une abrutie de junkie. Miyuki, elle sait pas réconforter les autres, elle sait pas enlacer, elle sait pas faire part de ses émotions, de ce qu'elle ressent pour autrui. Elle l'a jamais fait, elle a jamais appris. Miyu elle sait pas aimer. Simplement parce qu'on ne l'a jamais vraiment aimé. Pourtant, quand on la regarde, elle fait mignonne, elle fait gentille, douce, timide. C'est juste une façade. Elle en joue, ça l'amuse. Miyuki, on dirait vraiment une gosse, une fille beaucoup plus jeune que son âge. Forcément, quand on voit fumer ce petit format d'un mètre cinquante-cinq, ça choc, ça trouble, ça déstabilise. Souvent, son visage est fermé et affiche une mine sévère ou blasée. Miyu elle sourit rarement mais quand elle le fait, c'est parce qu'elle est vraiment heureuse. Ouais, ça arrive parfois. C'est même beaucoup plus fréquent que de voir ses yeux roses perlés par les larmes. Miyuki n'est pas du tout le genre de fille à pleurer. Malgré tout, elle sait se remettre en question, elle sait s'excuser lorsqu'elle va trop loin. Elle sait être gentille aussi. En fait, lorsqu'on la connait, Miyu est une véritable atta-chiante.

Assise sur un banc, tu te repasses les images de ton passé, les yeux rivés sur la pleine lune éclairant la pénombre. Tu te souviens vaguement des premiers moments de ta vie. Il y a ce que tu sais, ce que ton oncle et ta tante t'ont rapportés. Tu as appris à marcher et à parler un peu plus tard que ton jumeau, Issei. Tu faisais beaucoup de caprices. Tu n'écoutais rien. En bref, tu étais une petite peste. Mais quand on a cinq ans, ça passe beaucoup mieux qu'à dix-sept.

Et puis, il y a ce dont tu te rappelles, les souvenirs enfouis mais encore présents. Tu te remémores ces moments de solitude durant ton enfance. Persuadée que c'était toujours de la faute des autres enfants, tu ne cherchais jamais à t’intégrer. D'ailleurs, un jour tu avais frappé une fille qui ne cherchait qu'à devenir ton amie. Tu avais eu peur qu'elle se moque de toi et dans ces moments tu préfères faire du mal avant que l'on ne t'en fasse. Finalement, le problème ne venait pas d'eux, mais de toi et rien que de toi. Maintenant que tu es plus vieille tu le comprends un peu mieux. Après tout, ce n'était que des enfantillages te dis-tu. Ah oui vraiment ? Pourtant tu continues de te battre contre tout le monde et pour pas grand chose. Tu parles d'un changement... Pas étonnant que les gens lâchent l'affaire avec toi.

Issei et toi êtes rentrés en même temps à l'académie ninja. Vous aviez à peine une dizaine d'année. Tu n'avais pas forcément d'ambition dans la vie mais tu savais ce que tu voudrais être plus tard, une Kunoichi spécialisée dans le médical. Serait-ce une partie de ta personnalité que tu caches derrière ton masque ? Finalement, tu es peut-être vouée à aider les autres. Dans ton clan, les Otsuka, il n'y a quasiment pas de shinobis maîtrisant l'art de l'iroujutsu. La très grande majorité est spécialisée dans le taijutsu. Mais ce qui accorde sa puissance au clan, en plus de vos cheveux roses/rouges qui vous donnent un côté badass, c'est l'habilité à maîtriser le sunaton.

Entre ton jumeau et toi, il y a toujours eu un faussé. Plus vous vieillissez et plus ce faussé semble profond. Au début, ce n'était pas grand chose. C'est lorsque vous avez commencé votre entrainement ninja que tout s'est corsé. S'il était bien meilleur que toi dans la pratique, étonnamment c'est dans le théorique que tu le dépassais. Même au niveau du caractère vous étiez complètement différent. Alors que toi tu es d'un naturel impulsif, Issei est une personne très calme. Et c'est peut-être ce calme qui lui permit de passer genin avant toi. Jalouse, tu as redoublé d'effort pour le rattraper. Tu montas en grade à quinze ans, soit un an après ton frère. Lui ne tarda pas à passer chûnin. Tu ne supportes pas vraiment d'être dans l'ombre d'Issei, si bien que tu feras tout pour un jour le dépasser.

Tu laisses échapper un soupire en rapprochant tes jambes de ta poitrine. Là, quelques larmes vinrent troubler ta vue. Il n'y avait qu'un seul souvenir que tu essayais d'oublier, en vain. C'était celui de tes défunts parents. Ils sont morts il y a treize ans pendant le conflit entre les villages cachés et les samouraïs. Toi, tu étais alors âgée de seulement quatre ans. Tu te souviens des sourires réconfortants de ta mère et des bras de ton père dans lesquels tu aimais te cacher pour un câlin. Aujourd'hui ils ne sont plus là. Il te manque énormément. Cependant, persuadée que ça te rend faible, tu veux les oublier, pouvoir passer au-dessus et ne plus avoir de chagrin en pensant à eux, à ce qu'aurait pu être ta vie s'ils n'étaient pas morts. Tu secoues la tête comme pour les chasser de ton esprit et essuie les quelques larmes qui ont roulé le long de tes joues. Jetant un dernier regard sur la lune, tu retournes dans ta chambre.